Claude Durcudoy alias « claudet »,
triple champion de France de planking de 1950 à 1952,
fait parti du premier groupe de surfeurs français plus
connu actuellement sous le nom de « tontons
surfeurs» . C’est en septembre 1956 que son
oncle Georges Hennebutte lui propose de rencontrer Peter
Viertel, l’homme qui marche sur les vagues, et de
s’essayer au surf sur une planche importée des
Etats-Unis. Au-delà de la simple pratique du surf il
sera aussi un « pilote d’essai » idéal
pour les inventions de son oncle et en particulier du
premier leash.
Comment et quand avez vous commencé
à surfer ?
« J’ai connu le surf en
septembre 1956 à la suite d’un appel téléphonique.
Je me souviens quand mon
oncle m’a demandé si je voulais rencontrer un
homme qui marche sur les vagues. Passionné de sport de
glisse et en particulier de planking j’ai de suite
accepté l’invitation sans pour autant pouvoir
m’imaginer comment la chose était réalisable. Nous
nous sommes retrouvés sur la plage de la côte des
basques un matin ensoleillé de début septembre. Après
que mon oncle m’ait présenté Peter Viertel, nous
nous sommes essayés au surf. Les premières tentatives
n’ont été pas très concluantes. Nous n’avions
aucune notion de la position adéquate, de plus, sans
wax, la planche glissait comme une véritable
savonnette.
Peter Viertel, reparti au états
unis, avait confié sa planche à mon oncle afin de la
remiser dans une crampotte de la côte des basques dont
je possédais une clef. Quand je finissais mon travail,
vers dix neuf heures, je me précipitais à la plage
pour aller surfer. »
Votre oncle a été à l’origine
du leash, comment avez-vous vécu l’arrivée de cette
nouveauté qui, de nos jours, est devenue incontournable ?
« Quand nous allions surfer,
passer la barre était tout un problème. Il fallait
s’accrocher à la planche, la ceinturer, pour ma part
je la retournais et mettais les bras et les jambes afin
de l’agripper tel un coquillage sur un rocher. Deux
fois sur dix la planche de près de 30 à 35 kilos m’était
arrachée, il me fallait alors rentrer au bord en body
et refaire une tentative. Il était fréquent de
recommencer plusieurs fois avant de rejoindre le large.
Mon
oncle rencontrant les mêmes difficultés, se mit alors
a chercher une solution afin de s’attacher la planche
comme au bout d’une laisse. Il en résultat ce que
l’on appelait communément
" le fil à la patte ", dont le brevet fut déposé
en 1957, sous le nom de chevillière. Avant de
commercialiser son invention, mon oncle avait besoin de
la tester et tout naturellement il m’a recruté comme
« pilote d’essai. Le premier modèle se
composait de trois pièces. Un rond en caoutchouc qui,
à l’origine, servait à boucher les éviers. Cette pièce,
collée à l'arrière de la planche, grâce à de la néoprène,
possédait un anneau moulé dans lequel était
fixé un sandow ( l’ancêtre du plug). A l’autre
extrémité de ce sandow une bandelette de toile kaki de
l'armée, avec des boutons pression, entourait la
cheville. Facilement détachable verticalement les
pressions ne pouvaient s’arracher sous la traction de
la planche, et de la traction il y en avait! A la perte
de la planche mes quarante cinq kilos tout mouillé se
faisaient inévitablement traîner, me donnant
l’impression de faire du ski nautique sous l’eau. Il
me fallait donc trouver une solution afin de me freiner.
Après plusieurs tentatives, la position du parachute
m’est apparue comme la plus efficace. En écartant les
bras et les jambes à la manière d’une chauve souris,
j’arrivais à considérablement réduire la distance,
mais je ne pouvais m’empêcher de rire tout seul en
pensant à l’allure que je devait avoir
sous l’eau. Le principal avantage était de
pouvoir surfer à marée haute(1). Michel, Bruno, Jacky
et mes autres amis m’enviaient car il n’osaient pas
se mettre à l’eau de peur de voir leurs planches
finir dans le parapet de la Côte des Basques. J’ai
utilisé ce modèle pendant deux saisons, avant de me résoudre
à l’abandonner face aux scepticisme général et aux
nombreuses railleries dont les plus fréquente étaient
l’allongement de ma jambe ou les risques de
saucissonnage. Pour
les mêmes raisons, et face au coût de dépôt de
brevet, mon oncle ne déposa pas son invention à l’étranger.
Le
concept avait été définitivement abandonné jusqu’à
l’arrivé à la Côte des Basques d’un
américain équipé d’un leash. C’est certainement
par souci de ne pas copier le brevet de mon oncle que ce
modèle s’attachait au poignet et était fixé à
l’avant de la planche un peu comme ceux utilisés pour
les bodyboards actuels. Rapidement, les Américains placèrent
le leash à la cheville et son point de fixation à
l’arrière de la planche. A partir de là il y eut un
véritable engouement. Il faut dire que tout ce qui
venait d’Amérique était du pain bénit. Avec le
recul, il est regrettable de penser que le fait d’être
une invention biarrote ou plus généralement française
a été certainement un frein à la commercialisation de
l’invention de mon oncle. »
Vous surfez encore régulièrement
à la Côte des Basques. Prenez-vous toujours autant de
plaisir à aller à l’eau ?
« Au
début du surf nous étions peu nombreux. Il y avait une
véritable camaraderie dans l’eau. Nous étions
heureux de prendre une vague ensemble, d’essayer de
surfer à deux sur la même planche en passant d’une
planche à l’autre. Au pic, entre deux vagues, on
discutait, on se racontait les histoires de la journée.
Maintenant quand je vais surfer, je prends une vague
quand les autres en prennent dix et même celle-là
m’est parfois critiquée. Le regard des jeunes a changé,
quand il voient un vieux dans l’eau il est observé
comme une bête curieuse, il y a des rictus qui se font
jour. Je pense qu’un jour j’arrêterai le surf à
cause de ce manque de convivialité. »
(1) A marée haute, la plage de la
Côte des Basques est entièrement recouverte par
l’eau, les vagues venant mourir sur le parapet de la
promenade.
|